Glaner des argiles et des sables, frôler les pins fouler les herbes hautes, sentir l’océan caresser mes pieds. Déposer au soleil mes récoltes. Poudres eau tamis, patience crépitements et calme, décantations volutes tourbillons colorés, je suis des yeux, je me plonge, j’agite, pour qu’enfin sous mes doigts pressés, naissent objets bols oiseaux cloches, dans le silence de mon atelier dans la chaleur de mon four, au creux des mains nous boirons le thé.
Comprendre, chercher, ramasser, préparer des argiles de la nature
Je ne suis pas spécialiste, ma jeune approche est tout à fait empirique.
J'essaie là de vous proposer un texte très simple pour vous aider si l'aventure vous appelle. N'hésitez pas à me corriger si vous pensez que ce serait utile !
L'argile
Les argiles sont des roches sédimentaires
Elles n'ont pas toutes les mêmes propriétés, certaines sont illitiques et vont cuire à basse température (entre 900 et 1140 degrés, et au delà vont fondre) ce sont, en terme potier, les faïences. Elles seront poreuses.
Nous pouvons les incorporer aux émaux de haute température.
D'autres vont être réfractaires, c'est à dire qu'elles vont être suffisamment solide après une cuisson à très haute température, parfois 1600 degrés, elles seront alors "fermées", avec une certaine imperméabilité.
Mélanger les argiles de différentes qualités permet par des test de trouver la température de cuisson et la solidité désirée.
Je trouve cette vidéo extrêmement bien faite pour comprendre les processus de cuisson et les différentes structures des argiles
La récolte
De l'argile, il y en a un peu partout, et à la fois elle n'est pas toujours si facile à détecter, enfouie dans le sol, ou pleine de calcaire, les objets ne tiendraient pas dans le temps, le calcaire provoquant des grains de chaux qui éclateraient bien après cuisson souvent sous l'effet de l'humidité.
Pour vérifier la présence de calcaire, nous pouvons verser du vinaigre blanc sur l'argile. La mousse nous indique la présence du calcaire. Pour utiliser ces argiles, il faut les passer au tamis 120, ce qui est très fastidieux en quantité et retire le caractère de la matière.
Pour trouver l'argile, j'ai fait de nombreuses recherches sur internet, sur des cartes, dans des archives de recherches géologiques et des fiches d'anciennes exploitations, en demandant à des personnes, aller sur les lieux, parfois ne rien trouver. Et parfois, s'exalter devant les paysages qui nous offrent ce merveilleux cadeau.
C'est une étape importante qui a donné de la valeur à ma démarche.
A Angeac en Charente sur un site de fouille, les paléontologues ont accepté que je prenne de l'argile déjà fouillé. C'est une argile verte qui contient du calcaire. Je la tamise longuement, elle me donne des teintes rouge orange profondes et abaisse la température de cuisson des argiles réfractaires.
J'ai grandi et vécu dans le Lot une grande partie de ma vie, c'est une région magnifique qui est dans mon coeur. J'y ai rencontré Sophie Pouly dont j'admire le travail, avec qui j'ai passer un week end de prémices de récolte.
C'est elle qui m'a fait découvrir la carrière des grands pins dans la forêt de Saint Martin le Redon, j'ai ensuite chercher grâce à ces documents :
Sur la plage de l'Amélie à Soulac sur mer, magnifique lieu très riche en argile illitique non calcaire.
Mes prochaines recherches s'orienteront vers l'Ariège, l'Aude que j'ai déjà un peu exploré sans bons résultats, le long de la Garonne près de Montauban, la forêt de la Grésille dans le Tarn, et vers Muret.
Je récolte également du sable qui dégraisse et apporte une solidité supplémentaire. J'ajoute de la chamotte fabriquée dans le Lot chez Argiles d'Aquitaine.
Les récoltes se font au prix de recherches, de lourds sacs, de griffures de ronces, de transpiration, d'ampoules, de poussière ou de boue partout sur mon corps et mes vêtements. Ce ne sont pas toujours des moments bucoliques, ils demandent beaucoup d'efforts et de temps. Mais la satisfaction, la reconnaissance et le plaisir d'être dans la nature, de faire moi-même grâce à elle est toujours immense.
Un morceau d'argile réfractaire roulé jusqu'au sable
à Thédirac dans la forêt, une marre, le chant des grenouilles, des flaques d'argile illitique
la vie partout
route du kaolin, l'argile est enfouie sous le sable du lac, un héron me salut
la carrière des grands pins, remarquable par sa beauté. L'argile est très dure et magnifique. Dans un flaque en contre bas, une autre m'a tendue son cadeau
La préparation
De petits morceaux d'argiles étendues au soleil ou sur une table pour qu'ils sèchent bien, je veux faire une poudre. La plus fine possible, je vais l'écraser au sol grâce à un tronc de bois muni d'un manche, ou bien avec un galet de Garonne.
Cette poudre, je vais la verser en couches successives d'eau et d''argile, pour laisser de l'aération entre les particules.
Je vais attendre, une semaine au moins, pour avoir le plaisir de glisser mes mains et écouter les bulles craquer sous mes doigts, sentir la douceur, le grain.
Après l'avoir tamisée au "chinois" de cuisine, grâce à une brosse (de toilettes....) je vais la tamisée de nouveau si besoin au tamis 120 (pour éviter les grains de chaux). Je garde de côté une moitié de sceau pour un autre usage décrit plus bas.
De ces pâtes, je vais créer la pâte désirée grâce à mes test de cuissons (différentes proportions sont testées avec les sables et la chamotte, annotées de commentaires sur l'appréciation des matières, elles seront cassées après cuisson pour tester la solidité)
Une fois ma préparation au point, je l'étend sur une plaque de plâtre une après-midi, je la retourne et je la laisse encore jusqu'à avoir une humidité satisfaisante. Tout cela dépend des saisons ainsi que de sa propre pratique pour découvrir la bonne hygrométrie.
Cette pâte est ensuite, couper, battue encore et encore, pour retirer les bulles d'air et homogénéiser le sens des particules (voir la vidéo "c'est pas sorcier" plus haut)
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L'argile sèche après la récolte (en morceaux assez petits) |
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les morceaux secs sont placé sur un plastique solide |
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l'outil pour écraser |
l'argile écrasée
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en lasagne eau / argile |
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le mélange argiles / sables / chamotte, prêt à raffermir sur la plaque de plâtre |
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mon atelier de préparation |
Les fines décantations
L'argile flocule. Les particules se tassent et s'amassent les unes avec les autres, et laisse de l'eau transparente à la surface.
La défloculation va permettre la récupération des particules les plus fines, qui vitrifieront à la cuisson et donneront une certaine imperméabilité aux objets.
Plusieurs méthodes sont possibles, par l'ajout d'un défloculant (silicate de soude, calgon) ou par agitation et récupération de l'argile de surface, cela de très nombreuses fois.
Pour l'instant, j'utilise du silicate de soude, un petit bouchon pour un sceau d'une quinzaine de litre, moitié d'eau et moitié de ma pâte tamisée. je remues énergiquement pendant cinq minute puis j'attends 24 heures pour récupérer le vernis d'argile, les grosses particules s'étant accumulées bien au fond.
Je vous conseille le livre de Jean Paul Azaïs qui explique avec beaucoup de rigueur ses méthodes.
Toutes les argiles ne donneront pas de bons résultats, il faut tester encore et encore.
Les décantations (ou sigillée, ou vernis d'argile) sont grasses, elles forment de belles volutes quand on les touche, elles brillent de leurs couleurs subtiles.
C'est une matière extrêmement sensible et délicate.
Je les applique au pinceau queue de morue, à pointe longue et large, en poils de petit gris. Ces pinceaux sont excellents et ont une importance cruciale dans la réussite de mes applications, qui peuvent laisser une trace digitale, de poils ou de goutte qui donnerait un résultat insatisfaisant ou décollerait à la cuisson.
Je les décore de cendres de bois, ce qui donne ces variations de couleurs et de textures.