. Mémorial .


Fragile, la mémoire au cœur des hommes
Chemine vers ce haut ressourcement
D’eau et de sève où le jour brille comme
Une saison vieille aux clartés automnales.
C’est au souvenir que le cœur se hâle,
L’espace se délivre et calcine l’instant.

Limpidité du désert oublié,
Mes mains se nouent aux gerbes liées
De sauges et des blés tristes de l’automne.
La nuit a dispersé ses paraboles
En gestes confus, en brèves paroles
Où la main, l’eau et la cruche ensemble frissonnent.

Planté heureux sous le ciel sans blessure,
Un mémorial s’éteint de murmures.
Je marche seul en d’ombreuses forêts
Sur le versant possible d’une enfance,
Je navigue parmi ses transparences
Et je danse le fleuve en son été secret.

Ma première saison fut habitée
Par le silence ouvragé de la mer.
Mes cathédrales longtemps dérivèrent
Dans le sillage incendié d’un été.
Pour que mes yeux s’effeuillent à ses lueurs
Je guette cet enfant piégé aux rumeurs

Et au bref scintillement de minuit,
Aux sources pierreuses d’astres criblés.
Un visage alors appareille et la clé
D’un regard ouvre les ciels interdits
Et les vergers au goût de mangues vertes.
C’est encore l’enfance à mes lèvres offerte.

Sur l’aire d’envol sûre des naufrages,
J’attendis, attentif aux paysages,
Le temps du premier navire. Il vint gréé
De tous les vents et de tous les espoirs
Sous le ciel mauve où mon cœur fut ancré
Et je choisis l’exil à l’envers du miroir.

Pèlerinage aux sous-bois de septembre.
Un oiseau se prend aux rets de son nom
Voyageur. Rouge un arbre m’interrompt
Et solitaire habite le jour d’ambre.
Les pôles de ma vie ont trouvé leurs raisons
Et l’automne s’allume aux ors d’autres saisons

(Jean Fanchette)